03 août 2022
Cécile Macé est l’experte pharmaceutique principale du projet MEDISAFE. Pharmacienne diplômée en médecine tropicale et santé publique, elle est spécialisée dans les systèmes pharmaceutiques et plus particulièrement sur les systèmes d’approvisionnement et de réglementation pharmaceutique. Elle a aussi une grande expérience dans l’accès aux produits de santé et leur usage rationnel. Pour « Parole d’expert.e », elle aborde un élément important dans la lutte contre les produits de qualité inférieure et falsifiés qui est la sécurisation des chaines d’approvisionnement pour les produits de santé. Axe de travail recommandé par l’OMS et intégré au projet MEDISAFE, ce sujet a été au cœur de l’atelier pharmaceutique lors du séminaire régional qui s’est tenu à Nairobi du 25 au 29 avril 2022.
Pour commencer, pouvez-vous nous préciser en quoi la sécurisation de la chaine d’approvisionnement intervient dans la lutte contre les médicaments et produits de santé falsifiés ou de qualité inférieure ?
Cécile Macé : Dans tous les pays, les médicaments et autres produits de santé arrivent dans les structures de santé publiques ou les points de dispensation privés à travers une chaine d’approvisionnement qui est établie du niveau national au niveau local. Cette chaine d’approvisionnement fait intervenir de nombreux acteurs (fabricants, fournisseurs, importateurs, acheteurs, centrales nationales d’approvisionnement, distributeurs, pharmacies d’officines…) et de nombreux points de stockage et de distribution où un transfert de responsabilité des produits a lieu. Tous les acteurs et points de transfert sont autant de portes d’entrée possibles pour des produits sous standards ou falsifiés.
Il est donc important que ces chaines d’approvisionnement soient sécurisées et que les acteurs de ces chaines soient des professionnels régulièrement contrôlés dans leurs pratiques. Cela garantit la qualité des produits fournis à la population et évite l’introduction de produits de qualité inférieure ou falsifiés.
Quel est le rôle de MEDISAFE et de ses experts sur ce sujet ?
C.M.: MEDISAFE accompagne ses 11 pays partenaires dans une meilleure identification des points de faiblesses dans les chaines d’approvisionnement. Le projet les encourage également à trouver des solutions durables sur la base d’échanges d’expériences et de pratiques entre les pays du projet, mais aussi grâce à l’apport d’experts internationaux. Ces derniers amènent une expertise dans le domaine pharmaceutique issue de leur pratique dans leur propre pays ou de leur connaissance approfondie des systèmes pharmaceutiques africains.
Le sujet de la sécurisation des chaines d’approvisionnement a été largement discuté lors du séminaire régional de Nairobi. Qu’en est-il ressorti ?
C.M.: Des échanges très riches entre les experts pharmaceutiques nationaux et les experts internationaux ont eu lieu sur le sujet. La sécurisation des chaines d’approvisionnement a d’ailleurs été jugée importante par les organisations partenaires du projet, telles que l’OMS et l’ONUDC, et par les Points focaux dans les pays partenaires. Il a été noté au cours des discussions que les pays sont à des niveaux différents dans la sécurisation mais que tous doivent encore travailler sur cet aspect compte-tenu de la présence encore trop importante de produits de qualité inférieure ou falsifiés au sein des territoires.
Un guide sur la sécurisation de la chaine d’approvisionnement est en cours d’élaboration par MEDISAFE, est-ce que vous pouvez nous en parler ?
C.M.: Ce guide vise à orienter les pays sur certaines activités importantes telles que le contrôle des acteurs de la chaine d’approvisionnement, les contrôles à effectuer lorsque les pays importent des produits, la mise en place de systèmes de traçabilité et les mesures à mettre en œuvre pour renforcer les conditions de conservation et la sécurité dans les points de stockage et lors des transports.
Le guide est aussi l’occasion de parler du rôle important des autorités de réglementation pharmaceutiques dans les pays. Ces autorités doivent être à un niveau de maturité suffisant pour jouer pleinement leur rôle. Ce qui, d’après l’OMS, n’est pas encore le cas dans l’ensemble des pays partenaires de MEDISAFE. Ce sont ces autorités qui sont responsables de protéger la population en autorisant et contrôlant les produits utilisés dans le pays et en donnant des autorisations aux fabricants et distributeurs. Elles doivent également assurer un contrôle et une surveillance régulière du marché incluant de recevoir les notifications des personnels de santé ou de la population quand des produits de santé sont suspectés de ne pas être de bonne qualité. Leur rôle est aussi de mener des investigations et de prendre les mesures adéquates en cas de confirmation de produits de qualité inférieure ou falsifiés. Elles doivent bien sûres travailler en étroite collaboration avec les douanes et la police.
Ce guide bientôt finalisé sera utilisé par les 11 pays partenaires pour évaluer la sécurisation des chaines d’approvisionnement. Certains pays seront accompagnés par les experts internationaux dans cette démarche. L’objectif est de les aider, en prenant appui sur le guide, à identifier les points de faiblesses et les meilleures solutions en fonction de leur contexte national.